Dans le cadre de notre devoir d’information, nous publions ci-dessous un éditorial vu sur le web aujourd’hui. Le propos est «voitures de collection».
Son titre saisissant (Au coeur d’une collection secrète de joyaux français ! (+ images)) parle de lui-même.
Sachez que le rédacteur (présenté sous la signature d’anonymat
) est positivement connu.
Elles étaient jadis adulées par tous et faisaient la fierté de leur heureux conducteur. Mais parce que rien ne dure jamais vraiment, elles ont fini par se retrouver progressivement délaissées, négligées, puis oubliées. Je veux parler des incroyables voitures qui composent ce que l’on appellera la “collection Pierre Héron”, du nom de leur regretté propriétaire.
Un homme disparu en début d’année qui a gardé, de son passage au Génie, dans l’armée, en tant qu’officier, puis de sa carrière comme ingénieur dans le civil, un goût prononcé pour les belles mécaniques, françaises de préférence. Avec pour marques de prédilection Hotchkiss, Delahaye et Talbot, trois constructeurs de voitures de luxe disparus après-guerre qui incarnaient à eux seuls une certaine idée du prestige à la française.
Cependant, en cette douloureuse époque, l’heure n’était plus aux frivolités ou au superflu mais au pragmatisme, avec une démocratisation sans précédent de la chose automobile, portée par les Citroën 2CV et Renault 4CV. Sauf pour M. Héron, qui y voyait là l’occasion de récupérer à bon compte de grosses autos jugées démodées, et de surcroît gourmandes en carburant, qui n’intéressaient plus personne.
La dernière séance
Bonne pioche car, au début des années 60, commencer une collection de voitures anciennes restait bien marginal, et, en tant que pionnier au goût éclairé, M. Héron a su débusquer des modèles bien souvent exceptionnels, avec une préférence assumée pour les Hotchkiss Grégoire, au point d’appeler un de ses fils… Grégoire !
Il est vrai que cette berline atypique, dotée d’une ligne ponton d’inspiration américaine, concentrait quelques singularités techniques propres à attiser la curiosité d’un ingénieur, avec notamment un puissant 4 cylindres à plat, une traction avant dotée d’un train équipé de renvois de ressorts, 3 places de front et une construction étudiée dans les moindres détails, avec une partie avant pouvant se démonter facilement pour accéder à la mécanique.
Fou de ce modèle, M. Héron en achètera plusieurs. La plupart, figés sur leurs pneus dégonflés, sont regroupés dans un ancien cinéma, sous une épaisse couche de poussière, signe que l’ouvreuse ne vient plus depuis longtemps : la dernière séance semble déjà bien lointaine, le rideau demeure obstinément baissé. Pourtant, le spectacle offert vaut son pesant d’or !
Aux côtés des Hotchkiss Grégoire se tiennent quelques joyaux, dont une Talbot T26 cabriolet, mais aussi des conduites intérieures Delahaye. Bien que nécessitant une longue remise en route, ces autos sont plus chanceuses que celles qui sont restées stockées sous un abri de fortune, à l’arrière du cinéma. L’endroit, ouvert aux quatre vents, n’a pas été d’un grand secours pour stopper les morsures du froid et la progression de la végétation.
On y trouve pourtant des chefs-d’œuvre, certains signés par de grands carrossiers : Talbot Lago Grand Sport, Talbot America, Delahaye 148 cabriolet Chapron et 148 berline Letourneur et Marchand, et même un coach Hispano-Suiza composent un triste inventaire à la Prévert. Fort heureusement, les pépites de cette incroyable collection ont eu le privilège de séjourner dans de meilleures conditions, plus au sec dans des hangars voisins.
Outre une très rare Talbot T26 à 3 carburateurs, une berline développant près de 190 ch, il convient de signaler la présence d’une Delahaye 135 Figoni, qui avait fait sensation lors de sa présentation au Salon de l’auto 1948.
La belle remportera d’ailleurs cette année-là le prestigieux concours d’élégance de Biarritz. Mais l’auto la plus incroyable de cette folle collection est sans conteste la Tracta Grégoire, un superbe coupé carrossé par Chapron à un seul exemplaire. Sûr de son pouvoir de séduction, ce coupé, équipé d’un compresseur, sera même immortalisé aux côtés d’une jeune femme amoureuse des belles cylindrées et de vitesse, une certaine Françoise Sagan.
“Bonjour tristesse”, pourrait-on se dire en voyant l’état souvent déplorable dans lequel se trouvent ces formidables voitures. Mais il y a lieu d’espérer des jours meilleurs, puisqu’elles changeront de main lors d’une prochaine vente aux enchères à la renommée internationale. Une suite logique pour ces divas de repasser finalement de l’ombre à la lumière…
De rouille et d’or
C’est la maison Artcurial Motorcars qui va disperser très bientôt ces fabuleuses voitures, à l’occasion du prochain Le Mans Classic (du 30 juin au 3 juillet). Un événement dans l’événement, tant cette improbable collection rappelle celle de Roger Baillon, qui avait défrayé la chronique en 2018.
Nombreux sont ceux qui avaient alors découvert que la rouille pouvait parfois valoir de l’or, et, au-delà de toute considération pécuniaire, il faut se réjouir que des personnes fortunées et passionnées puissent redonner vie à de tels joyaux.
Dirigé depuis 2009 par Matthieu Lamoure, ce département Motorcars d’Artcurial met souvent à l’encan des autos d’exception, avec une prédilection pour ces “sorties de grange” au goût authentique. “On a tous rêvé de découvrir un trésor perdu, et ces autos restées dans leur jus d’origine sont une formidable opportunité d’acquérir une vraie capsule temporelle.”
Au sein de ce département consacré aux automobiles anciennes qui compte 9 personnes, on trouve notamment Antoine Mahé, qui réalise depuis douze ans un véritable travail d’enquêteur pour reconstituer le passé de chaque voiture.
“On a un réseau, des connaissances ou des archives, et il faut aussi un peu de chance tant on part parfois de loin pour retracer l’historique d’une auto.” Et, comme se plaît à le rappeler Matthieu Lamoure, “on vend d’abord une histoire, et on offre la voiture qui va avec”.
Retrouvez notre reportage dans l’Auto-Journal n°1110 du 02/06/2022.
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